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Date de création : 29.09.2007
Dernière mise à jour : 10.04.2022
74 articles


Repérer les six sophismes du pédagogisme contemporain

Publié le 22/10/2020 à 04:27 par pedagogisme
 
 
(...) Extrait de texte de Charles Coutel
 

Le processus de rupture de l’école républicaine avec elle-même peut être daté par le début de la réforme Haby, 1975, de l’aveu même de Valéry Giscard d’Estaing dans un entretien au Figaro du 16 février 2016. Pour l’ancien président de la République, il s’agissait surtout « de rendre impossible un nouveau mai 68 ». On songea même à supprimer « nationale » dans Éducation nationale. Sous couvert de modernisation, on en appela à une communauté éducative, ouverte aux humanités modernes (sic). L’idéal humaniste d’émancipation n’est même pas mentionné. Cette réforme Haby, intitulée « Pour une modernisation du système éducatif », s’accompagna d’au moins trois autres mesures fragilisant l’unité et l’indivisibilité de la République : le non-apprentissage du français lors du regroupement des populations immigrées, une décentralisation volontiers confondue avec la déconcentration et enfin l’appel à un financement privé de la dette publique. Dans ce dispositif orléaniste, il devenait essentiel que l’école instruise de moins en moins et méconnaisse le paradoxe de l’ignorant : moins j’ai de mots à ma disposition et moins je m’en rends compte, je prends conscience de mon ignorance seulement lorsque je commence à m’instruire. CQFD : un nouveau mai 68 devenait impossible ; un nouvel orléanisme triomphait, mais pendant ce temps, l’entrisme communautariste se développa dans les services publics. Mais le prix à payer fut énorme : le récit humaniste, national et républicain s’interrompit et l’esprit de grandeur s’étiola. Depuis les années 1970, notamment dans la formation des maîtres, six sophismes se développèrent [2]. Tous ces sophismes vont toujours dans le même sens : destituer l’École républicaine et cacher une injustice dont les élèves des milieux modestes pâtissent toujours. Il s’agissait de pactiser avec l’ignorance.

 

  • le sophisme sociologiste, qui revient, avec force statistiques à l’appui, à prédire l’avenir d’un élève à partir du constat des conditions socioéconomiques présentes des parents. Or, n’est-ce pas négliger la puissance émancipatrice que recèle l’École républicaine ?
  • le sophisme qui revient à étirer les apprentissages élémentaires dans la mesure même où le temps scolaire se serait allongé.
  • le sophisme qui revient à dire que les programmes scolaires sont toujours trop chargés. C’est confondre l’accumulation sans ordre d’informations dispersées et le déploiement de l’ordre encyclopédique des éléments au sein des disciplines scolaires et des programmes nationaux. C’est surtout oublier que les savoirs élémentaires sont l’alphabet de l’émancipation. Enseignés et compris par chacun et tous, les savoirs élémentaires créent une république d’esprits libres où l’on aimera s’instruire se cultiver et débattre, comme ce fut le cas dans les cours de Samuel, défendant la liberté d’expression et la liberté pédagogique. Quand l’école républicaine est élémentaire et laïque, le fanatisme recule, car chacun pourra faire de ses convictions, fussent-elles religieuses, des objets d’étude à ses propres yeux. Ainsi, la République répondra, par l’instruction publique, non fanatiquement au fanatisme.
  • le sophisme technologiste qui revient à affirmer qu’une machine peut nous apprendre quelque chose. Or, un élève renseigné est-il pour autant un élève enseigné ? Est-il nécessaire de rappeler tous les effets toxiques des réseaux sociaux quelques jours avant l’attentat ?
  • le sophisme affirmant que les élèves pourraient s’enseigner les uns les autres, le professeur devenant « une personne-ressource ». Or, un professeur n’informe pas seulement, il instruit, élève et cultive.
  • le dernier sophisme est très délicat à formuler, car logé dans les représentations convictionnelles de beaucoup d’acteurs. Il revient à valoriser une bienveillance qui épanouirait les élèves, en lieu et place d’une juste indulgence qui émancipe. La bienveillance, pleine de bons sentiments, s’applique à une intention de « bien faire », tandis que l’indulgence s’applique, elle, à un travail effectivement produit et évaluable. Sachons retenir la belle formule d’Alain : « Bercer n’est pas instruire ». Méfions-nous de ce retour du vocabulaire religieux dans le vocabulaire républicain ; le pédagogisme serait-il devenu le nouvel arôme spirituel de l’école orléanisée ? Mais en rester là nous ferait passer pour un grincheux de plus. Un dernier effort de propositions mélioristes est donc requis, si l’on veut contribuer à penser et à construire l’avenir de l’école républicaine comme un devenir réinstituant et intégrateur.

 

[2] Nous avons longuement analysé ces différents sophismes dans deux publications : Que vive l’école républicaine !entretien avec Philippe Petit, Textuel, 1999 et Pourquoi apprendre ?, Pleins feux, 2001.

 

 

Extrait du texte de Charles Coutel
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