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Date de création : 29.09.2007
Dernière mise à jour : 10.04.2022
74 articles


Pourquoi notre système n'impose plus de limite

Publié le 02/11/2007 à 12:00 par pedagogisme
Pourquoi  notre système n'impose plus de limite
Pourquoi notre système n’impose plus de limite ?

Est ce pour servir la consommation?
Le pédagogisme: alibi culturel ou cynisme politique?
Le consommateur érigé en finalité absolue!

"En une génération, nous avons vu émerger dans les consultations, des parents qui ne s’autorisent plus à dire “Non” à leurs enfants, non pas un “Non” qui seulement interdit, mais un “Non” qui, du fait d’interdire, autorise et ouvre à du possible. En revanche, ils se voient de plus en plus mis à mal du fait de ne pouvoir être des pourvoyeurs pour leurs enfants. Le tableau est sans aucune trace d’antécédent dans l’Histoire, et suffisamment représentatif aujourd’hui pour être épinglé."

Les conséquences de ce phénomène qui se généralise, sont une catastrophe par la suite à l'école où ces enfants n'acceptent plus la moindre limite et ne reconnaissent plus, audessus d'eux, le minimum d'autorité nécessaire à la vie en groupe. Dans la classe, ils contestent tout, font des réflexions à propos de tout, et ne possèdent aucun des rituels de base de la politesse la plus élémentaire. Ils font ce qu'ils veulent! Il suffit d'avoir deux ou trois enfants de ce profil dans une classe, pour que toute la classe se gangrène! Les nerfs du professeur sont alors soumis à rude épreuve, car les provocations de ses enfants sont permanentes pendant les cours. Les provocations dégénèrent souvent en agression verbale: Ils insultent alors professeur!




Un exemple tout à fait banal : une jeune mère, son enfant dans les bras, affirmait récemment qu’elle savait bien qu’il fallait le frustrer, qu’il ne fallait pas tout lui donner, mais en même temps, comme elle le nourrissait, à chaque fois qu’il pleurait, elle se demandait s’il ne fallait pas quand même pas lui donner…
Question tout à fait commune, mais en même temps, question dans laquelle toute sa singularité était engagée ; mais curieusement, ce qui prenait le dessus n’était pas le fait de savoir à quoi elle se référait, elle, et comment, déjà très tôt, elle pouvait transmettre à son enfant la su portabilité de ne pas être rassasié immédiatement, comment, en l’entourant de ses mots et de sa voix, elle pouvait le lui faire entendre. Ce n’était pas ça qui lui importait, ce qui comptait, c’était de savoir si elle devait être frustrante ou pas. Ce qui n’est absolument pas l’enjeu ! L’important aurait été pour elle de retourner à son savoir propre pour être capable de faire entendre à cet enfant que, bien sûr, il avait des raisons de pleurer, puisque il devait avaler la couleuvre de la déception fondamentale attenante à sa condition d’humain, mais qu’elle était aussi là pour lui témoigner que ce n’était pas pour autant mortel ! Que même au contraire, c’est ce qui lui permettrait de désirer… Sur cette affaire, cette jeune mère a une longueur d’avance sur son enfant, mais encore faut-il qu’elle se la reconnaisse comme légitime.

C’est pourquoi, en tout état de cause, il nous faut prendre la mesure de ce symptôme inédit dans l’histoire, à savoir l’émergence d’une génération de parents qui ne se sentent plus la légitimité de prescrire une perte de jouissance - une soustraction toujours nécessaire - à leurs enfants, qui se trouvent dans le malaise - ou l’impossibilité - à faire accepter par leur enfant une limite à leur toute-puissance. Autrement dit, lorsqu’ils soutiennent et la différence des places et l’irréductible incomplétude. Bien sûr, le cas de figure n’est pas généralisable, mais il est suffisamment fréquent que pour qu’il doive être reconnu.

En une génération, nous avons vu émerger dans les consultations des parents qui ne s’autorisent plus à dire “Non” à leurs enfants, non pas un “Non” qui seulement interdit, mais un “Non” qui, du fait d’interdire, autorise et ouvre à du possible. En revanche, ils se voient de plus en plus mis à mal du fait de ne pouvoir être des pourvoyeurs pour leurs enfants. Le tableau est sans aucune trace d’antécédent dans l’Histoire, et suffisamment représentatif aujourd’hui que pour être épinglé.

Nul doute que si nous voyons aujourd’hui des enseignants en difficulté dans l’exercice de leur autorité ou des parents en attente du consentement de leurs enfants pour leur poser des interdits, c’est parce que la reconnaissance symbolique de leur légitimité ne leur est plus spontanément fournie par le social, et cela à cause de cette mutation que nous indiquons ; il ne leur reste alors qu’à se tourner vers la reconnaissance toute imaginaire venant de ceux à qui ils sont censés interdire, ce qui bien sûr pose quelques problèmes.

Par ailleurs, du côté des enfants, des futurs sujets eux-mêmes, tout se passe comme si, pour ancrer la limite, ils ne pouvaient plus compter sur l’interdit qui leur vient d’ailleurs, sur l’arrimage de ce “Non!” dans le social, dans l’Autre du corps social. Au mieux, il ne leur reste alors qu’à s’interdire, mais ce “Non!” par ailleurs pleinement justifié qu’ils s’infligent à eux-mêmes, n’en reste pas moins éminemment précaire, puisque son destin n’a pas été retiré de leurs mains. Il persiste en leur seul pouvoir et, à ce titre, est toujours susceptible d’être remis en question, si pas désavoué, et donc sans cesse à réinscrire. Leur “Non!” reste non seulement comme toujours à refaire, mais à répétitivement refonder, dans un contexte social où tout fondement est discrédité comme vestige métaphysique. C’est en ce sens que nous pouvons dire que le futur sujet est laissé en plan par la carence du social à rendre visibles les conditions nécessaires de son fonctionnement symbolique.
Le risque, dans un tel contexte, c’est que l’enfant ne soit ni poussé, ni aspiré à grandir psychiquement, encore moins à prendre sa place dans le social comme homme ou comme femme.

Extrait de « défis libertaires, la mutation du lien social » de Jean Pierre Lebrun